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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 11:03

 

Le frère de mon papa vient de nous laisser brusquement, comme ça, dans son sommeil, sans prévenir, comme s’il nous faisait encore une de ses blagues surprenantes dont il était le spécialiste, et on s’attendrait presque à le voir là, ressurgir, à ce qu’il nous dise : « coucou, je vous ai bien eus ! » avec son sourire farceur. On a tendance à penser que quelqu’un qui a conservé une espièglerie pareille ne vieillit pas, d’ailleurs il n’a jamais fait son âge, Gérard.

 

Mon tonton Gérard était aussi un bricoleur surdoué, qui avec ses mains merveilleuses pouvait sculpter n’importe quoi dans un morceau de bois, refaire une immense ferme de fond en comble, aménager un jardin à la française dans un pré,  entretenir des ruches, etc… Le jour de mon mariage, on avait des choses à aménager, et je me souviendrai longtemps de ma maman qui, devant Hugues, le jeune marié, s’est exclamée : « Là, ce qu’il nous faudrait, c’est un homme, un vrai, comme Gérard ! » (phrase qui est restée légendaire pour nous !)

 

C’était aussi un tendre, qui cachait ses sentiments sous une couche d’ironie omniprésente, promenant un chien minuscule dans les petits chemins pendant des années, très triste quand il l’a perdu… Et puis surtout, avec les enfants, c’était un homme incroyable, un adulte à leur hauteur, toujours prêt à tout pour les faire rire, les surprendre, les amuser. Je n’ose imaginer le chagrin de sa petite fille Lisa, qu’il couvait des yeux comme un petit trésor. Ma petite Adèle a beaucoup pleuré, depuis lundi, parce que son tonton Gérard, c’était un deuxième papy. Il y a une coutume, quand on arrive en vacances dans mon hameau natal : les filles vont à la ferme mettre des cailloux dans les chaussures de tonton Gérard. Une blague immuable que mes trois filles lui ont faite, et qui nous faisait toujours autant rire. ( La même blague que moi-même, petite fille,  je faisais autrefois dans cette maison à mon grand-oncle, à mon grand-père….)

 

Considérant mes grands-parents, que je n’ai jamais vu vraiment beaucoup rire, je me suis toujours demandé d’où provenait cet esprit facétieux propre à Gérard et à mon propre père, Pierre. Peut-être que justement, leurs parents qui étaient passés par la guerre manquaient de joie, et que par réaction, ils ont œuvré tous les deux pour créer du bonheur et prolonger leur esprit d’enfance le plus tard possible.

 

Je pense bien sûr à ma tante Annie, au désarroi qui doit être le sien, dans cette grande maison qu’il a entièrement façonnée à son goût, au couple inséparable qu’ils formaient, se taquinant sans cesse mais reposant complètement l’un sur l’autre. Je pense à mon cousin Laurent, aussi, un taiseux, mais qui doit avoir bien du chagrin. Et je pense à mon papa Pierre.  Gérard, c’était bien plus qu’un petit frère au sens génétique du terme, pour lui, c’était un complice du quotidien, c’était celui avec lequel il s’est construit. Ils ont fait les 400 coups ensemble. Il m’a raconté comment, avec son frère, adolescents, ils avaient trouvé une recette pour fabriquer de la poudre noire à partir de salpêtre, et comment ils avaient failli avoir un grave accident avec l’explosion qu’ils avaient provoquée. Ils n’avaient aucun jouet, tellement leur enfance était austère, mais ils s’en fabriquaient. Quand ils ont un peu grandi, ils sont allés casser des cailloux, tous les deux, à la masse,  sur le chantier d’une route en construction, pour se payer un vélo. Un vélo pour deux, une roue chacun en quelque sorte. Ce vélo qu’on a toujours, avec lequel je roule encore quand je vais chez mes parents.

gerard.jpg

Il est impossible de ne pas garder de Gérard un souvenir très vivant, parce que Gérard, c’est forcément de la joie, une envie de sourire qu’on avait avant même de lui parler. Et tant pis si ce texte est maladroit, qu’il ne rend pas forcément bien compte de lui - mais écrire un truc pour lui, même lacunaire, même imparfait, c’est une façon de supporter un peu mieux la tristesse de son départ si brusque

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  • : Effleurer une ombre
  • : Je suis conne comme la lune sans soucis, comme la lune béate qui luit à l'automne, et offre le sourire de sa face blême aux moutons rêveurs, aux filles endormies. Je suis pomme, en somme, et de ce mauvais fruit, sais-tu? La gloire des campagnes monotones (Par qui Dieu sur Eve jeta l'anathème jadis) pleine d'asticots et toute pourrie. Je suis vache mystique des champs nivernais, mâchouillant ma vie végétale dans la paix. Le temps passe, je rumine, bovine herboriste.
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