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29 octobre 2016 6 29 /10 /octobre /2016 14:56

J'aime bien les livres de Serge Joncour. Je le connais depuis très longtemps, car je l'avais invité pour qu'il parle de son premier roman VU avec nos élèves au lycée d'Alfortville. En fait, inconsciemment, j'avais retrouvé dans ce livre l'atmosphère de chez moi, la Nièvre. C'était une histoire d'avion tombé dans une ferme. Il se trouve que dans la ferme de mes parents, il reste quelques pièces d'un avion tombé pendant la guerre non loin: les paysans du coin avaient récupéré les boulons et d'autres pièces métalliques pour leur bricolage... Bref, à l'époque, je ne savais vraiment pas que Serge Joncour était comme moi l'enfant d'agriculteurs de la Nièvre, mais je suis sûre que ça explique en bonne partie ce sentiment de proximité quand je lis ses romans. Et donc, par principe, je lis tous ses livres, je n'en manquerais pas un, sinon j'aurais l'impression de trahir quelqu'un de la famille, c'est comme ça.

Son dernier roman est le plus hitchcockien de tous. Il y a un peu de "Fenêtre sur cour" (car les deux personnages habitent l'un en face de l'autre) mais on y retrouve aussi le motif des "Oiseaux" inquiétants: deux corbeaux qui viennent perturber Aurore, une styliste branchée hyper-stressée et deviennent l'objet obsédant de ses cauchemars. C'est pas mal pour l'atmosphère, l'omniprésence de cette arrière-cour d'immeuble parisienne qui se transforme en terre de jeu sauvage, régressive.

  Mine de rien, derrière la bluette entre le héros, ce géant chargé de recouvrement et sa voisine bobo parisienne, l'auteur nous parle avec pas mal de pertinence de la société d'aujourd'hui. J'ai particulièrement apprécié sa façon d'évoquer les codes vestimentaires ou comportementaux parisiens auxquels on ne correspondra jamais quand on vient de la campagne. On se sent toujours un peu "pecno", et son héros est comme ça, tout à fait conscient du regard condescendant que les autres posent sur lui à cause de son allure décalée. C'est un truc que je ressentais profondément quand j'habitais à Paris. Maintenant que je suis en banlieue, je me sens mieux.

Cette femme qui est une sorte de boule de stress, on ignore un peu ce que le héros peut lui trouver, d'ailleurs lui aussi, il la trouve plutôt antipathique et insupportable au départ. Serge Joncour raconte l'affaiblissement de son couple sur le mode du constat. Aurore devient plus héroïque quand elle défend son entreprise. C'est un peu un roman sur le thème de la force et de la faiblesse: cette femme a les codes de la branchitude, l'appart friqué, un mec winner, un petit lot d'enfants mimis (une petite Iris comme moi en plus!) mais finalement elle est toute fragile. Et lui, le héros, il est un peu le géant des contes, il a l'air hors du coup, et puis finalement c'est en lui qu'elle puisera ses forces. Mais en fin de compte, est-il vraiment si solide?

J'ai retrouvé dans ce roman un peu de la scène du sanglier que j'avais adorée dans L'amour sans le faire: comment faire face encore de nos jours au fait de tuer un animal, et tout ce que ça a de dérangeant pour les urbains que nous sommes devenus.

Bref, Repose-toi sur moi, c'est aussi surtout une histoire d'amour, avec quelques uns de ses poncifs, mais au delà, un récit de nos vies de citadins d'aujourd'hui bien plus subtil qu'on pourrait le penser. 

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  • : Effleurer une ombre
  • : Je suis conne comme la lune sans soucis, comme la lune béate qui luit à l'automne, et offre le sourire de sa face blême aux moutons rêveurs, aux filles endormies. Je suis pomme, en somme, et de ce mauvais fruit, sais-tu? La gloire des campagnes monotones (Par qui Dieu sur Eve jeta l'anathème jadis) pleine d'asticots et toute pourrie. Je suis vache mystique des champs nivernais, mâchouillant ma vie végétale dans la paix. Le temps passe, je rumine, bovine herboriste.
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